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Esprit Négatif : Bertha Boxcar

25 décembre 2013. Le Loup de Wall Street, 24ième long-métrage, de Martin Scorsese avec Leonardo Di Caprio sort sur les écrans français. Le film est un succès. Leonardo remporte le Golden Globes du meilleur acteur pour sa prestation et le comédien est en bonne position pour remporter le premier Oscar de sa carrière.

18 décembre 2013. Le distributeur Mission ressort en salle ce que beaucoup considère - à tort - comme le premier "vrai" film de Scorsese, Bertha Boxcar (1972). (On oublie trop souvent Who's that knocking at my door de 1967).


Novembre 1973. Henry Moret dans la revue Écran 73 critique le second long-métrage de Martin Scorsese, le premier a connaitre une exploitation dans les salles françaises.
Si aujourd'hui Martin Scorsese est une légende, un monstre sacrée du 7ième art cela n'a pas été immédiat. Retour sur l'une des premières critique à l'égard de Scorsese.
Une paysanne révoltée par la mort de son père tué par l'inconscience d'un patron, un cheminot syndicaliste qui la suit hors des chemins de la loi, des hold-up aux dépens des compagnies de chemins de fer, des flics sauvages et des contestataires, un noir et des blancs amis jusqu'à la mort, le tout dans le cadre de la crise américaine des années trente, cela pourrait faire un film "social", revendicateur, révolutionnaire, proche de JOE HILL.
Un gang qui se fait et se défait, des attaques à main armée, des fuites en wagons de marchandises, des captures, des évasions et beaucoup de sang, cela pourrait donner une saga du gangstérisme amateur, dans le genre de BONNIE AND CLYDE.
Un couple maudit d'amants traqués, faisant l'amour dans la paille d'un train ou dans une cabane en ruines, les séparations, Bertha chez les prostituées, Bill aux travaux forcés, les retrouvailles, la fin tragique, cela pourrait donner lieu à une romantique et et lyrique épopée amoureuse, style LES AMANTS DE LA NUIT.
BERTHA BOXCAR n'est ni ceci ni cela et un peu l'un et l'autre tout à la fois. Ou plutôt un tout petit peu du premier, mais l'aspect revendicatif est bien mince et après y avoir sacrifié un instant, les auteurs l'ont rapidement gommé ; beaucoup du second, mais sans les moyens ni la fougue qu'il y faudrait pour nous faire décoller du fauteuil ; un peu de troisième, mais sans la conviction, ni le poids des personnages (et des interprètes) nécessaires pour que nous pleurions devant ce grand amour condamné.
Si ce bric-à-brac reste très séduisant, peut-être le devons-nous à Martin Scorsese (qui surgit pour nous du néant, est-ce son premier film ?) mais nous l'attribuerions plutôt au label des productions Roger Corman. On retrouve ici ce qui fait le charme des produits maison, quelque chose de parfois impondérable, peut-être dû au tournages économiques donc rapides, aux interprètes peu connus donc plus crédibles, à une désinvolture tantôt proche du négligé, tantôt curieusement efficace, à ces va-et-vient entre des scènes tarabiscotées, d'un esthétisme complaisant et d'autres gauches et bâclées.
Reste qu'un charme joue dans cette sorte de "cinoche", un peu racoleur, quelquefois prétentieux dont les relents de serial populaire ne sont point à dédaigner. BERTHA BOXCAR évoque dans son ton et sa fabrication l'assez fameux BLOODY MAMMA du dit Corman. C'est presque un compliment, et cela donne en tout cas au spectateur potentiel une assez juste idée de ce qui l'attend...
Henry Moret in Écran 1973, p.69 - Novembre 1973.

Peu d'information sur Henry Moret, homonyme d'un peintre normand, directeur de la revue Écran au mitan des années 70 et qui fut associé dès la naissance du titre et ce jusqu'à sa disparition (fusion avec La Revue du Cinéna) en décembre 1979.


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