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Adolpho Arrietta, Underground Paris-Madrid 1966-1995

Bien souvent ce que l'on demande à un éditeur, c'est premièrement, de respecter l’œuvre et le créateur. Ce qui apparait comme une évidence n'est pas obligatoire aux yeux de certains  labels (on pense à ceux qui diffusent des films en dvd sans la version originale). La deuxième chose est l'étonnement. Il n' y a rien de comparable à ce sentiment de découvrir l'inattendu. C'est pourquoi nous aimons particulièrement l'éditeur Capricci qui n'a jamais peur de prendre des risques (calculés ? nous serions tentés de dire oui vu que la société prospère). Le prochain ouvrage de Philippe Azoury (plume passionnante et importante de Libération, de diverses publications et de bonus dvd) en est l'exemple,  permettant de lever le voile sur un cinéaste oublié, Adolpho (ou Adolfo) Arrietta.

"Tous mes films racontent l'histoire d'une perversion" (Arrietta)


Moins connu que Jean Eustache, Philippe Garrel ou Marguerite Duras, dont il fut l’ami, Adolpho Arrietta est pourtant l’un des grands cinéastes underground des années 1970-1980. L’univers de ce magicien du cinéma, digne héritier de Jean Cocteau, va de Madrid à Paris, mais aussi de Jean Marais à Enrique Vila-Matas, des Cahiers du cinéma aux Gasolines : toute une histoire légendaire, à la fois glamour et fauchée, qui revit ici avec brio. Le livre est constitué d’un long entretien réalisé en juillet 2009 à Madrid par Philippe Azoury. Durant trois jours, leur dialogue a creusé la fabrication de Flammes (1978). Ensemble, Azoury et Arrietta évoquent les autres films du cinéaste mais surtout tout un monde, une conception poétique, libre, frondeuse de faire du cinéma comme on vit. De la théorie à la pratique, d’une époque à une autre, cet ouvrage permet au lecteur de se plonger dans le cinéma et la culture de la fin des années 1970.

Adolpho Arrietta est né à Madrid en 1942. Il s’installe en France en 1967, où il réalise ses premiers longs métrages. Considéré en Europe comme un pionnier du cinéma indépendant, il puise son inspiration dans un langage poétique proche de celui de Jean Cocteau. Le cinéaste a marqué les années 1970 par des films tels que Le Jouet criminel avec Jean Marais, Les Intrigues de Sylvia Couski (1974) - qui obtient à Toulon le grand prix du « Cinéma Différent » - Flammes (1978) ou encore Grenouilles (1983). Toujours actif, il a depuis réalisé plusieurs courts et moyens métrages, des oeuvres pour la télévision espagnole et a joué un rôle dans le dernier film d’Albert Serra L’Histoire de ma mort (en production). 
"Aux années 50, la série B (Tourneur, Ulmer Dwan). A ma génération, le cinéma d'Arrieta (de Biette, de Zucca). C'est la même chose, c'est la même question posée à l'apprenti cinéaste : comment atteindre cette vibration nocturne qui hante les films comme un secret ? Réponse : par la mise en scène, ou plutôt par la mise en rumeur, cette capacité à obtenir une attention maximale du spectateur, comme Hitchcock, mais sans installer aucun suspense, à la différence d'Hitchcock, en privilégiant au contraire une attente imprécise un récit de brume.
Serge Bozon in Cahiers du Cinéma #682 - p.92
Seul et unique dvd a être disponible en France (dans le monde ?) grâce à l'éditeur Re:voir, La trilogie des anges renferme trois court-métrage du début de carrière d'Adolpho Arrietta.

Le Crime de la toupie (EL CRIMEN DE LA PIRINDOLA / 1965 / 18 minutes)  
Un enfant, inlassablement, surveille la danse d’une toupie…
« La figure de l’ange, la première fois, est apparue dans le noir et blanc que j’ai utilisé dans Le Crime de la toupie. Je filmais Xavier [Grandes] en train de jouer avec une toupie et j’ai senti qu’il fallait la figure d’un ange qui regarde son jeu. Une amie qui était là a mis un drap et j’ai coupé des ailes en papier qu’elle a collé sur son dos... Après, l’ange apparaît dans mes films en noir et blanc, toujours avec un drap et des ailes en papier. »
L'imitation de l'ange (LA IMITACION DEL ANGEL / 1966 / 21 minutes)
« Dans Imitation de l’ange, le garçon, German Portillo, essaie d’imiter un ange… C’est une méditation sur l’angélisme que je ne peux pas raconter. »
Le Jouet Criminel / 1969 / 36 minutes
« En 1969 je rêvais de faire un film avec Jean Marais. Finalement je l’ai rencontré à Paris. Il était ami avec un ami à moi qui lui avait parlé de mon projet. Il aimait beaucoup l’idée de faire un film underground. Je n’avais pas la moindre idée de ce qu’on allait faire. (…) Un jour on se promenait dans Malakoff. Ce quartier ressemblait un peu aux ruines dans Orphée de Cocteau. (…) Soudain jean s’est arrêté, il a regardé au sol une flaque qui brillait comme un miroir et qui contenait deux gants en caoutchouc blanc, comme les gants de la Mort d’Orphée. Jean n’a rien dit, et moi non plus, mais il me semble qu’on a eu le même sentiment. J’ai senti qu’on était en train de faire un remake d’Orphée. »
Toutes les citations sont d'Adolfo Arrietta, conversations avec Philippe Azoury (2009).
Le dvd et le livre sont à commander par mail à theendstore[at]gmail.com ou contact[at]theendstore.com

> Adolpho Arrietta, Un morceau de ton rêve / Paris-Madrid 1966-1995 par Philippe Azoury / 136 pages / 14,50 euro
> La trilogia del angel / Français - English - Spanish subtitles / livret 16 pages signé Erik Bullot / 24 euro

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