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Paul Sharits, déconstruire le cinéma

Dans la constellation des cinéastes / artistes expérimentaux, Paul Sharits tient une place à part, de part son travail - divisé en divers temps - que de sa personnalité imprévisible. Réalisateur de courts et de moyens métrages questionnant le dispositif cinématographique, Sharits a participé à l'aventure Fluxus initié par Jonas Mekas, Yoko Ono et de Georges Maciunas. Travaillant sur des motifs simples en apparence (couleurs, mot) mais soulevant énormément de questions sur la perception, Sharits a une œuvre protéiforme qui dépasse le cinéma pour déborder sur les arts en général.

Depuis quelques semaines, un dvd regroupant trois de ses films est disponible par l'intermédiaire des éditions Re:voir et donc auprès de THE END.


Présentation de l'éditeur :
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Au milieu des années 1960, Paul Sharits met au point un cinéma abstrait en rupture avec la tradition picturale. Toute son œuvre constitue une réflexion sur la nature même du cinéma et de ses composants : la pellicule, le photo-gramme, le défilement, les perforations, l'écran, la projection ayant principalement recours à la technique du flicker (clignotement de motifs et de couleurs), il met en évidence la discontinuité des photogrammes, révélant les puissances insoupçonnées du montage.

Le dvd contient les films suivants :
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Piece Mandala / End War, 1966, color, silent, 5 min.
N:O:T:H:I:N:G, 1968, color, son, 36 min.
T,O,U,C,H,I,N,G, 1968, color, son, 12 min.

En supplément un livret de présentation de Vincent Deville avec des écrits de Paul Sharits.
"L'écran, irradié par le N:O:T:H:I:N:G de Paul SHARITS, semble adopter une forme sphérique, par moments - due, je pense, à la magnifique qualité de lumière obtenue par ses flashes de photogrammes, une perle baroque pourrait-on dire-merveilleuse! Un des plus beaux films que j'aie vu."
Stan Brakhage
"Le film vous entraîne dans un monde coloré, il accroît votre sens des couleurs, l'enrichit. Vous devenez attentif aux changements de tonalités qui entourent votre réalité quotidienne. Votre vision a changé. Vous commencez à voir la lumière sur les objets autour de vous. L'éventail de vos expériences s'est élargi. Vous disposez maintenant d'une nouvelle compréhension. Vous en sortez humainement plus riche."

Jonas Mekas
Pour en apprendre davantage sur l'homme, voici quelques éléments biographique permettant de retracer son parcours aussi bien universitaire que artistique.

Paul Sharits, né le 7 février 1943 à Denver dans le Colorado, est l’un des plus singuliers représentant de l’école de Buffalo, du mouvement du cinéma structurel et un des premiers inventeurs du «flicker genre», le film à clignotements. A sa sortie du lycée en 1960, il se rend à la « University of Denver’s School of Art » où il obtient quatre années plus tard un « Brevet of Fine Arts » en peinture. Initialement dévoué à cette pratique, il découvre grâce à un enseignant, Stan Brakhage, qui deviendra son mentor, les films 16 mm. Afin de parfaire cette nouvelle direction artistique, il se rendra à la « Indiana University » où il obtiendra un « Master of Fine Arts » en design visuel. Tout en continuant à explorer diverses techniques liées à l’expérimentation filmique, Paul Sharits enseigne au « Maryland Institute of Art, puis au « Antioch College ». Invité dès 1973 par le professeur Gerald O’Grady à rejoindre l’équipe de recherche qu’il monte autour du cinéma expérimental à la « State University of New-York » de Buffalo, Paul Sharits y fréquente alors Hollis Frampton, Tony Conrad ou encore Woody et Steina Vasulka. Depuis cette date jusqu’à sa mort, Sharits enseigne dans le « Departement of Media Study », le premier aux États-Unis à s’intéresser aux relations que tissent l’art, la science et les nouveaux médias.

Paul Sharits meurt le 8 juillet 1993, à l’âge de 50 ans.


Cet extrait est issu du guide de l'exposition FIGMENT, première exposition rétrospective autour de l’oeuvre de Paul Sharits qui eu lieu à l’Espace multimédia Gantner Paul de Belfort en 2007/2008.
En introduction, nous évoquions la personnalité de Paul Sharits comme quelqu'un d’imprévisible ou plutôt aventureuse comme les essais qu'il a pu entreprendre par l’intermédiaire du cinéma ou de ses créations artistiques (installations et peintures). C'est ce qui ce dégage de cette anecdote de Jonas Mekas que nous vous proposons.



De la vie de Paul Sharits
Extrait de mon journal
- 19 juillet 1982

Paul Sharits, 8 juillet : bléssé par balle à l'entrée d'un bar minable de Buffalo. Erreur d'identité : on l'a pris pour quelqu'un d'autre. Ablation de la rate.
Paul Sharits, 1981 : ayant perdu ses clefs, a tenté de rentrer chez lui par le vasistas sur le toit. Est tombé. S'est brisé le pelvis.
Paul Sharits, 1980 : poignardé dans un bar lors d'une dispute avec un inconnu. [...]
Paul Sharits, 1979 : a décidé d'apprendre à faire du roller. Dès la première tentative, fait une mauvaise chute et se casse la jambe. [...]
Paul Sharits, 1978 : accident de voiture dans un cimetière près de Buffalo. A fini hospitalisé pour plusieurs jours. Et déclaré que la vision de ce cimetière l'avait plongé dans une profonde méditation sur la mort, lui faisant oublié de regarder la route.
Paul Sharits, 1990 : à une fête de l'université de Buffalo où il enseignait, Paul, complètement ivre, s'est approché du doyen, lui a exprimé toute sa haine et signifié sa démission immédiate.
Arrivant dans sa classe tout à fait normalement le lendemain, Paul a été accueilli par un représentant officiel de la fac qui lui a demandé ce qu'il faisait là. Paul l'a informé que c'était sa classe. L'officiel l'a informé en retour que lui, Paul, avait démissionné la veille au soir, et qu'il n'avait donc rien à faire là. Des amis, d'autres professeurs ont tenté d'obtenir sa réintégration, mais le doyen n'a pas cédé. Paul n'avait plus de poste.
Paul Sharits, 1990 : de la fumée a été repérée dans le hall de l'Anthology. Le directeur a appelé les pompiers. Cette fumée venait des toilettes. Où l'on a retrouvé Paul Sharits avec un extincteur, en compagnie d'une jeune femme vêtue d'une drôle de tenue. Paul était en train de brûler des trous dans sa robe. [...]
Paul Sharits, 1971 : Paul ayant besoin d'un endroit où passer la nuit, j'ai décidé de l'autoriser à dormir dans le bureau de l'Anthology. En y entrant le lendemain matin, je n'ai pas cru au spectacle qui s'offrait à moi : Paul, entièrement nu, flashait la moindre parcelle de son anatomie sur notre énorme photocopieuse.
Tandis que je suis en train de taper ces notes, je reçois un coup de téléphone de Gerald O'Grady, de l'Université de Buffalo. Il me rassure : d'après les médecins Paul ne devrait pas garder de séquelle de sa blessure. [...]
"Ah, et puis, a ajouté O'Grady, son père est avec lui, il est venu le voir." De surprise, je l'ai fait répéter. Je croyais que le père de Paul avait depuis longtemps fini comme tous les Sharits, tant ils sont prédisposés aux accidents. "Non, a-t-il précisé, mais il y a une dizaine de jours il est tombé d'un arbre et s'est cassé quelques côtes. C'est pour ça qu'il n'a pu venir voir Paul les premiers jours, il était lui-même hospitalisé. [...]

P.-S. Un entrefilet dans un journal de San Fransico m'apprend que Greg Shapiro, le frère de Paul, a été abattu par la police. [...] Greg avait dirigé la Film Maker's Cinematheque pendant quelques mois en 1966. Il était tombé amoureux de Carla, qui tenait le guichet. Comme ce n'était pas réciproque, il avait pris un train pour Buffalo. Tout près de l'arrivée, comme le train traversait de hauts passages en surplomb, il avait sauté dans le vide ; survécu ; subi un an d'hospitalisation.

Jonas Mekas in Anecdotes - Éditions Scali - p.291


Deux choses à noter par rapport à ces extraits. Premièrement, l'épisode universitaire semble se terminer bien avant sa mort, ce qui contredit la présentation faite dans le programme de l'exposition qui stipule qu'il a enseigné dans l'université de Buffalo jusqu'à sa mort. Le deuxième point est une précision qui dit beaucoup sur la personnalité de Paul Sharits. Après toutes ses (més)aventures, c'est lui qui décida de mettre fin à ces jours le 8 juillet 1993.



Prix : 25 euro

Pour commander le dvd, merci d'envoyer un mail à contact@theendstore(POINT)com

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